Cet article détaille le concept de « parties affectées », en explorant la nature, la constitution, et l’impact des classes de parties affectées, ainsi que son rôle dans le respect du principe du « meilleur intérêt des créanciers ».
Le concept de « partie affectée » élargit le spectre des acteurs impliqués dans les procédures de sauvegarde et de redressement. Contrairement aux anciens comités de créanciers, ces classes regroupent non seulement les créanciers directement impactés par le plan de redressement, mais incluent également, en tant que nouveauté, les actionnaires et détenteurs de valeurs mobilières. Ces derniers sont considérés comme parties affectées si leur participation au capital ou leurs droits sont modifiés par le plan proposé.
La répartition des parties affectées en classes se fait selon un critère de « communauté d’intérêt économique ». Cette approche permet une organisation plus précise et adaptée aux divers intérêts économiques en jeu. Les créanciers ne sont plus simplement regroupés par catégorie, mais par intérêts économiques partagés, facilitant ainsi une négociation plus équitable et ciblée des conditions du plan de sauvegarde ou de redressement.
La constitution de « classes de parties affectées » est encadrée par des critères spécifiques, établis afin de garantir une représentation équitable des différents intérêts économiques en présence lors d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Depuis le 1er octobre 2021, ces classes sont obligatoires dans certaines situations bien définies.
D’abord, elles sont requises en cas de sauvegarde accélérée ou de redressement judiciaire lorsque l’entreprise dépasse des seuils précis :
Ces seuils sont nettement plus élevés que ceux imposés précédemment pour la formation des comités de créanciers.
Ensuite, la constitution des classes est également requise si l’entreprise en difficulté détient ou contrôle une autre société, et que leur ensemble dépasse les seuils susmentionnés. Dans des cas spécifiques, le débiteur ou l’administrateur judiciaire peut demander au juge commissaire l’autorisation de constituer des classes même si les seuils ne sont pas atteints, offrant ainsi une flexibilité dans l’application de la loi.
La répartition des parties affectées en classes est assurée par l’administrateur judiciaire, qui se base sur la communauté d’intérêts économiques. Les créanciers avec des sûretés réelles et les autres créanciers ne peuvent être regroupés dans une même classe. De plus, les accords de subordination préexistants sont pris en compte, à condition d’être communiqués à l’administrateur dans un délai d’un mois après le jugement d’ouverture. Les détenteurs de capital sont quant à eux regroupés dans des classes spécifiques, basées principalement sur des critères économiques.
En cas de désaccord sur la répartition, une saisie du juge-commissaire est possible par toute partie affectée, le débiteur, le ministère public, le mandataire judiciaire ou l’administrateur.
Le processus de vote dans les classes de parties affectées est un élément clé de la procédure de redressement ou de sauvegarde. Chaque classe, une fois constituée, reçoit un projet de plan du débiteur (en sauvegarde) ou de l’administrateur judiciaire (en redressement). Ce projet contient des propositions telles que des délais de paiement, des remises, ou des conversions de créances. Les classes disposent ensuite d’un délai de 20 à 30 jours pour se prononcer.
La décision d’accepter ou de rejeter le plan est prise à la majorité des deux tiers du montant des créances ou des voix des membres ayant voté. Cette règle assure que la décision reflète la volonté de la majorité en termes d’importance économique. Elle équilibre les intérêts des différentes parties en permettant à la fois une représentation proportionnelle à l’importance des créances et une participation équitable de tous les membres.
Une fois le plan adopté par chaque classe, le tribunal procède à son examen. Il vérifie la conformité du plan avec les conditions légales, notamment l’équité entre les créanciers et le respect du principe du « meilleur intérêt des créanciers ».
Le principe du « meilleur intérêt des créanciers » est un fondement essentiel de la procédure de redressement ou de sauvegarde. Ce principe stipule que les parties affectées ayant rejeté le plan de sauvegarde ou de redressement ne doivent pas se retrouver dans une situation moins favorable que celle qu’elles auraient connue en cas de liquidation judiciaire ou selon une solution alternative.
Ce principe vise à garantir l’égalité entre les créanciers au sein d’une même classe. Ils doivent recevoir un traitement équitable et proportionnel à leur créance ou à leur droit. Le tribunal vérifie attentivement cette équité lors de l’examen du plan de sauvegarde ou de redressement.
Le « test du meilleur intérêt » assure également que les droits des créanciers sont préservés. Aucune partie affectée ne devrait être lésée par le plan, comparativement à ce qu’elle aurait obtenu dans un autre scénario. Cette approche encourage les négociations équitables et vise à trouver des solutions qui bénéficient à toutes les parties impliquées, tout en respectant leurs droits et intérêts légitimes.
Le mécanisme de cross class cram down, introduit dans le droit français par la transposition de la directive « restructuration et insolvabilité », offre une solution pour surmonter les impasses dans les négociations du plan. Ce dispositif permet au tribunal d’imposer l’adoption du plan de sauvegarde ou de redressement, même si certaines classes de parties affectées l’ont rejeté.
Pour appliquer le cross class cram down, le tribunal doit vérifier le respect des principes d’égalité des créanciers et du test du meilleur intérêt. Un point crucial est l’application de la règle de l’« absolute priority rule » : les créanciers d’une classe ayant rejeté le plan doivent être intégralement satisfaits avant toute classe de rang inférieur.
Le tribunal peut imposer le plan si celui-ci a été adopté soit par une majorité de classes, y compris une classe de créanciers avec des sûretés réelles ou de rang supérieur, soit par au moins une classe dite « dans la monnaie ». Ce mécanisme vise à débloquer les situations de négociations difficiles, tout en protégeant les droits des différentes parties affectées.
La réforme introduisant les classes de parties affectées et le principe du meilleur intérêt des créanciers marque une évolution significative du droit des entreprises en difficulté en France. Elle vise à équilibrer de manière plus juste les intérêts des différentes parties impliquées, tout en offrant de nouvelles solutions pour dépasser les impasses dans les négociations de plans de sauvegarde ou de redressement. Cette évolution, adaptée aux réalités économiques contemporaines, ouvre de nouvelles perspectives pour les entreprises en difficulté, tout en préservant les droits des créanciers et autres parties affectées.
Code de commerce : Section 3 : Des classes de parties affectées. (Articles L626-29 à L626-34)